Assurément, la campagne présidentielle version 2017 comporte son lot de ruptures si on la compare aux neuf élections au suffrage universel direct qui ont précédé depuis 1965 et l’installation de ce mode de scrutin en France.
L’extrême-droite a largement progressé, notre économie ne s’étant jamais totalement remise de la crise de 2008, elle-même largement amplifiée par l’incapacité du gouvernement à résoudre le problème du chômage. Le contexte international, très anxiogène, marqué par la guerre, le terrorisme, et le réflexe isolationniste de nos alliés traditionnels anglo-saxons, joue aussi un rôle de catalyseur. La progression du FN est telle que l’accession aux plus hautes responsabilités de la dynastie Le Pen ne paraît plus relever de la politique fiction, même si nombre de Français ont bien en tête le caractère fondamentalement hostile aux valeurs de la République du projet de sa dirigeante, et également la dimension suicidaire et totalement contradictoire de ses propositions économiques.
Le parti au pouvoir, le PS, ressort quant à lui très abîmé de ces cinq années de complet décalage entre les promesses de François Hollande et la réalité de l’exercice des responsabilités. Et ce n’est pas la primaire de la gauche qui va arranger sa situation. Il n’est ressorti de cet exercice aucune idée nouvelle, si ce n’est des promesses toujours plus fantaisistes, comme si l’important pour le PS en 2017 n’était pas de préparer un projet pour la France mais de démontrer qu’il pouvait encore porter une certaine idée du rêve politique. La sanction se trouve d’ailleurs dans la faible participation au scrutin, et par le fait qu’on s’achemine d’ici dimanche prochain vers le choix d’un candidat qui ne porte pas un véritable projet de gouvernement. Autre constat : le renouvellement des têtes. Impossible pour François Hollande de se représenter. Nicolas Sarkozy mis en minorité par le parti qu’il dirigeait. Défaite probable de Valls aux primaires de la gauche. Visiblement, les Français ne recollent pas les têtes qu’ils ont coupées. Marine Le Pen, également porteuse de l’héritage de son père auquel elle succède, apparaîtrait presque comme la plus ancienne du paysage. Certes, François Fillon a déjà et durablement exercé des responsabilités parmi les plus importantes de la République, mais son élection surprise à la primaire de la droite et sa dimension d’outsider en font une figure alternative. Et bien sûr, il faut constater l’irruption dans le paysage politique d’Emmanuel Macron, incontestablement au cœur de cette dynamique de renouvellement.
Donc, la campagne présidentielle de 2017 marque bien la capacité de notre démocratie à tourner certaines pages et à préparer l’écriture de nouveaux chapitres. Cela dit, le renouvellement, l’envie d’essayer autre chose, qui semble faire consensus dans notre pays, n’exclut pas le débat politique sur le sens de ce renouvellement, et le projet porté pour le pays.
Et, pour le coup, il n’est pas sûr que l’élection à venir nous permette de réviser notre logiciel. Car, habitués aux grandes passions présidentielles, nous autres Français accordons souvent une place insuffisante aux idées, aux convictions et à l’élaboration du consensus dans la décision publique.
Ce dont la France a besoin, c’est d’une dynamique et d’un projet qui permette de l’inscrire résolument dans la modernité. Et nous n’y parviendrons pas si nous votons pour un nouveau roi ou une nouvelle reine, dont nous couperons la tête dans cinq ans à son tour. Dès lors, les discours caporalistes n’ont pas leur place. Nous devons choisir une ligne directrice pour le projet, une véritable majorité d’idées et d’actions. Le futur Président a bien sur un rôle essentiel, et nous ne devons pas nous tromper dans le choix que nous ferons. Bien sûr, face au danger mortel de l’extrême-droite, il faudra de toute manière se rassembler, et il ne s’agit pas non plus de favoriser la dispersion des voix au profit du Front National. Mais, pour que ce travail de rassemblement des Français ait un sens, pour que le débat démocratique retrouve ses marques dans notre pays, il faut parler des projets, et continuer à les construire en cohérence mais sans imaginer qu’un seul homme ou une seule femme, même légitimé par le nombre de ses militants, saura à lui tout seul nous conduire sur le chemin d’un avenir meilleur.
C’est la raison pour laquelle les candidats aux prochaines élections législatives doivent impérativement placer le projet au cœur de leur campagne et construire un ensemble de propositions volontaristes et cohérentes. Pour qu’au-delà des réflexes partisans, l’intérêt du citoyen soit véritablement placé au cœur de l’élection !