Au lendemain de nouvelles tensions sécuritaires, le ministre de la Justice propose de réinstaurer une contribution financière pour les détenus incarcérés en prison, relançant une idée disparue depuis deux décennies.
Prison : Gérald Darmanin veut faire payer les détenus

Le lundi 28 avril 2025, Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a confirmé son intention d'introduire une participation financière des détenus aux frais de leur incarcération en prison. Cette proposition, annoncée lors de son intervention au Journal de 20 heures de TF1, survient dans un contexte de forte pression sur le système pénitentiaire français, confronté à des attaques coordonnées et à des défis budgétaires croissants.
Un projet porté par le contexte sécuritaire et budgétaire des prisons
Depuis plusieurs semaines, plusieurs établissements pénitentiaires français ont été visés par des violences organisées. Gérald Darmanin a lié l’annonce de cette mesure au climat sécuritaire actuel, rappelant que vingt-cinq interpellations ont eu lieu dans le cadre d’une enquête sur ces attaques. L’instauration d’une contribution financière est ainsi présentée comme une partie d'une stratégie plus large, combinée à la création d'une police pénitentiaire et au renforcement de la sécurité du personnel.
Selon le ministre, la participation des détenus vise aussi à répondre à des contraintes budgétaires. Le coût global du fonctionnement des établissements pénitentiaires avoisine quatre milliards d’euros par an, soit environ dix millions d’euros par jour. Dans cette perspective, Gérald Darmanin entend associer les personnes incarcérées à l’effort de financement du service public de la justice, estimant que « chacun doit participer » à la charge collective.
Le mécanisme envisagé : entre symbole et contribution effective
Le projet prévoit de rétablir un système qui existait avant 2003, où les détenus acquittaient un forfait de présence comparable au forfait hospitalier en vigueur pour les séjours à l’hôpital. Gérald Darmanin a insisté sur le caractère "symbolique mais important" de cette contribution, précisant qu’il ne s’agit pas de transférer l'intégralité du coût de l’incarcération sur les détenus.
La mesure exempterait expressément certaines catégories de détenus, notamment les indigents, ceux qui n’ont aucune ressources, ainsi que les prévenus, c’est-à-dire les personnes en détention provisoire, qui n'ont pas encore été condamnées. Cette exclusion vise à limiter les risques d'inégalités sociales au sein des établissements.
Pour mettre en œuvre cette réforme, le gouvernement soutiendra une proposition de loi déjà déposée à l’Assemblée nationale. Deux textes seraient en cours d'examen, confirmant la volonté du ministère de la Justice d’inscrire rapidement cette initiative dans le droit positif.
Les enjeux politiques et économiques d'une réforme du financement des prisons
Sur le plan politique, cette annonce s'inscrit dans une ligne de fermeté assumée par Gérald Darmanin depuis son arrivée place Vendôme. Après les attaques contre les établissements pénitentiaires, la nécessité de restaurer l’autorité publique dans les prisons est devenue un argument central.
D'un point de vue économique, l’instauration de frais d'incarcération constituerait un précédent important. Elle marquerait une évolution du statut du détenu, désormais acteur financier minimal du fonctionnement carcéral. Si le montant attendu des contributions individuelles reste modeste, l'objectif est autant financier que symbolique : il s'agit de réaffirmer que l'incarcération, tout comme l'accès à d'autres services publics, engage une forme de responsabilité individuelle.
Le ministre de la Justice a par ailleurs précisé que les sommes perçues seront affectées exclusivement à l’amélioration des conditions de travail des personnels pénitentiaires, notamment en matière de sécurité. Cette affectation spécifique répond aux inquiétudes exprimées par les syndicats de surveillants ces derniers mois.
Une réforme qui soulève des interrogations juridiques et sociales
La mise en place de frais d’incarcération pourrait soulever plusieurs questions d’ordre juridique. Notamment celle du respect du principe d'égalité entre détenus, compte tenu de la diversité de leurs ressources financières. De même, l’impact sur la capacité des détenus à rembourser leurs victimes, priorité instaurée par d’autres réformes récentes, devra être évalué.
Sur le plan social, les associations de défense des droits des détenus alertent déjà sur le risque d'alourdir la précarité d'une population largement défavorisée. La proportion élevée de détenus sans ressources régulières, ou engagés dans des démarches de réinsertion complexes, pourrait limiter l'efficacité économique du dispositif tout en alimentant les tensions internes.
Quelle suite législative pour ce projet ?
La temporalité de la réforme reste à préciser. Gérald Darmanin a annoncé son soutien actif aux textes en préparation, mais le calendrier parlementaire chargé pourrait retarder l'examen des propositions. Par ailleurs, une série d'amendements pourrait être déposée pour préciser les modalités d’application, notamment les plafonds de contribution et les conditions d’exonération.