Le PS peut-il faire tomber le gouvernement ?

Le Premier ministre joue gros : alors que le Parti socialiste (PS) conditionne son soutien à une inflexion budgétaire et un rétropédalage sur l’immigration, une motion de censure se profile.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 30 janvier 2025 à 11h31
François Bayrou, retraites, ps

Face à un budget 2025 jugé trop austère et des déclarations polémiques de François Bayrou, le Parti socialiste (PS) brandit la menace d'une motion de censure. L’équilibre du gouvernement, déjà fragilisé, repose désormais sur un fil.

Budget 2025 : un point de rupture entre Bayrou et le PS

Le projet de loi de finances pour 2025 concentre toutes les crispations. D’un côté, François Bayrou, qui mise sur la commission mixte paritaire (CMP) pour imposer son budget sans réelle négociation. De l’autre, un Parti socialiste qui exige des concessions sous peine de passer à l’offensive. Philippe Brun, député socialiste en charge des négociations, a averti : « S'il n'y a pas d'ouverture à gauche, nous voterons la censure. »

Les griefs du PS contre le gouvernement sont multiples. La politique fiscale est selon eux injuste car, selon le Haut Conseil des finances publiques, la réduction du déficit repose quasi intégralement sur l’augmentation des impôts. Le budget ne contient d'ailleurs pas toutes les garanties que recherche le PS : ils réclament une hausse du Smic et le rétablissement du Fonds vert destiné aux collectivités. De plus, le budget proposé de contient pas de garanties sur l’aide médicale d’État (AME), que le Sénat dominé par la droite a amputée de 200 millions d’euros. 

Entre LR et le PS, Bayrou doit ménager la chèvre et le chou

Toutefois, à force de discuter avec le Parti socialiste, François Bayrou pourrait bien s'attirer l'ire des Républicains. Ainsi, le bloc central de la Commission mixte paritaire (CMP), comprenant les Républicains, Renaissance et le Parti socialiste, comprend 8 membres sur les 14 de la CMP. De quoi adopter un projet.

Mais Les Républicains ne sont pas disposés à tous les sacrifices. Ainsi, Laurent Wauquiez, chef des députés Droite Républicaine, prévient que « Nous avons accepté qu'il ait des discussions avec le PS car il faut un budget à la France mais je n'accepterai pas que ces discussions causent la banqueroute de la France. » Les Républicains ont d'ailleurs tout intérêt à se démarquer des socialistes pour des raisons électorales, afin de ne pas perdre de voix qui, faute de réelle vision politique, pourrait aller à Renaissance.

"Submersion migratoire" : la déclaration qui fait basculer le PS

Mais au-delà des arbitrages budgétaires, c’est un élément politique qui cristallise la colère des socialistes : l’attaque frontale de François Bayrou sur l’immigration. Le Premier ministre a évoqué un "sentiment de submersion migratoire". Un dérapage pour le PS, qui a immédiatement suspendu les négociations.

Les socialistes exigent un désaveu formel. Pourtant, loin d’adoucir sa position, François Bayrou a persisté en affirmant le lendemain à l’Assemblée nationale : « Je n’ai rien à retirer de mes propos ». Un défi qui pourrait lui coûter cher. L’exécutif sous-estime-t-il la colère de son aile gauche ? La censure, jusqu’ici une hypothèse lointaine, devient une option crédible.

Une motion de censure peut-elle aboutir ?

La grande inconnue demeure le rapport de forces à l’Assemblée nationale. En l’absence de majorité absolue, le gouvernement s’appuie sur un équilibre fragile. Or, la censure nécessite 289 voix. Sans le PS, la motion plafonne à 207 voix, loin du seuil fatidique. D'un autre côté, une motion de censure fondée sur les propos de François Bayrou concernant l'immigration a peu de chances de recueillir les voix du RN, qui compte 88 députés.

Mais si les socialistes votent pour et que quelques Républicains suivent, alors le gouvernement tombe. Gérard Larcher, président du Sénat (LR), a prévenu : une censure serait « irresponsable » et plongerait le pays dans l’incertitude. L'exécutif tente donc une opération séduction. François Bayrou pourrait lâcher du lest sur le budget ou clarifier ses propos sur l'immigration. Mais le temps presse : si le vote intervient avant une ouverture à gauche, le PS pourrait bien appuyer sur la gâchette.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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