Un pas de côté, tel un crabe. La RATP annonce offrir une campagne à L’Œuvre d’Orient, mais pas question de parler de chrétiens.
« On finit par penser qu'il y a un problème avec les chrétiens », déclarait vendredi l’Abbé Grosjean sur l’antenne de LCI. Comment ne pas être d’accord, en voyant l’aveuglement dans lequel s’enferme la RATP et ses responsables, notamment Gérard Unger, PDG de sa régie publicitaire. La polémique sur le refus de voir figurer la mention « Pour les chrétiens d’Orient » ne cesse d’enfler, et elle se politise désormais avec l’intervention de nombreux élus de l’opposition. Le président du Sénat a ainsi demandé à l'État, « au titre de sa tutelle sur la RATP, de mener l'enquête sur les circonstances ayant conduit à une telle décision absurde et sans fondement ».
Une nouvelle campagne
Dans la journée de samedi, après que la Coordination chrétiens d'Orient en danger (CHREDO) a annoncé avoir déposé un recours en référé contre la RATP, cette dernière a semblé faire un pas vers l’apaisement. Sa proposition en cette veille de Pâques : faire figurer le nom de l'association bénéficiaire de l'opération plutôt que la communauté religieuse à laquelle elle vient en aide. « La RATP, dans un souci d'apaisement, et compte tenu de la situation humanitaire dramatique vécue par les minorités chrétiennes d'Orient dans les circonstances actuelles, a décidé d'offrir la possibilité de procéder à une nouvelle campagne d'affichage en mentionnant qu'elle est faite au profit de l'association L'Œuvre d'Orient, sans attendre le résultat du référé qui doit trancher la question de principe la semaine prochaine », a annoncé l'organisme dans un communiqué.
Mais surtout, pas question pour Isabelle Ockrent, directrice de la communication de la régie depuis 2008, d’autoriser sur les affiches la mention « Pour les Chrétiens d’Orient ». Mgr Jean-Michel Di Falco Léandri, a réagi : « Est-ce que c'est le mot chrétien qui leur brûle les lèvres ? C'est invraisemblable, cela ne nous satisfait pas ». « Ce n'est pas un gros mot, chrétiens d'Orient », a souligné pour sa part Patrick Karam, président de la CHREDO. Pourtant, dans la journée de samedi, les réactions se sont encore accélérées.
Twitter s'enflamme
Sur Twitter également, le ton monte vite, mais les mots sont clairs : « Aucune hésitation ! Il faut dire son soutien total aux chrétiens d'Orient victimes de la barbarie », a tweeté le Premier ministre. « Pourriez-vous en toucher un mot à la RATP ? Ils hésitent toujours. Merci », lui a répondu le blogueur chrétien Koz. « Écœurant d'imaginer le cadre du groupe RATP qui, bien au chaud dans son bureau, a exigé que l'on efface le martyre d'un peuple entier… », a réagi François-Xavier Bellamy. « Vous mettez Groupe RATP et intégrisme laïc dans le même sac ? Vous n’avez pas tort ! », résume l’Abbé Amar. D’autant plus, qu’au lieu de faire la seule chose décente, à savoir s’excuser, la RATP en rajoute dans le laïcisme mal orienté, affirmant que « ce dossier montre les difficultés croissantes d'appliquer les règles de neutralité et de laïcité au sein des espaces publicitaires de la RATP ». Et comme il n’est rien de mieux que de créer une commission pour enterrer un problème, l'entreprise publique a annoncé la mise en place d'« une instance de réflexion composée de personnalités incontestables afin d'évaluer et de préciser les principes qui doivent présider à l'affichage dans les espaces publics de la RATP ».
Les chrétiens, eux, n’ont pas attendu le référé de mercredi prochain pour réagir : pas question de radicalisation ou d’action violente. Des milliers d’autocollants reprenant la mention censurée par la RATP ont été apposés par des mains anonymes un peu partout dans les couloirs et sur les affiches du métro. Tous reprennent également un hashtag explicite, #chutontue, associé à un profil Twitter du même nom. Car la moindre chose que l’on puisse faire, ici, pour les chrétiens d’Orient, c’est de témoigner.