Plus de dix ans après la mort de Rémi Fraisse lors d’une intervention des forces de l’ordre, la Cour européenne des droits de l’homme vient de trancher.
Rémi Fraisse : la CEDH condamne la France

Un verdict cinglant de la CEDH contre la France
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu, le 27 février 2025, un arrêt condamnant la France pour la mort de Rémi Fraisse en 2014. Le jeune botaniste de 21 ans avait été tué par l’explosion d’une grenade offensive lancée par un gendarme lors d’affrontements autour du barrage de Sivens, dans le Tarn.
Dans sa décision, la CEDH estime que la France n’a pas garanti "le niveau de protection requis" face aux "risques posés par le recours à une force potentiellement meurtrière". La Cour souligne également les "lacunes du cadre juridique et administratif" de l’époque et les "défaillances de l’encadrement dans la préparation et la conduite des opérations litigieuses".
Cette condamnation repose sur deux aspects principaux :
Critère | Conclusion de la CEDH |
---|---|
Usage de la force | Jugé disproportionné et non nécessaire |
Enquête judiciaire | Manque d’indépendance et d’impartialité |
La Cour rappelle que l’État français avait fermé les yeux sur des failles évidentes dans la gestion de l’intervention policière, ce qui contrevient aux obligations de protection de la vie humaine.
Qui était Rémi Fraisse et que s'est-il passé à Sivens ?
Rémi Fraisse était un botaniste de 21 ans s’était engagé auprès de France Nature Environnement pour suivre une espèce protégée, la renoncule à feuille d’ophioglosse. Dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, lors d’un affrontement entre militants écologistes et forces de l’ordre sur le site du barrage de Sivens, Rémi Fraisse est touché par une grenade offensive lancée par un gendarme. L’impact est fatal.
Cette nuit avait été particulièrement violente : plus de 700 grenades sont tirées en une nuit, dont 42 grenades offensives. L’utilisation de ces grenades sera interdite en 2017.
Que va faire la France après cette condamnation ?
Cette décision de la CEDH ne restera pas sans conséquences.
- Indemnisation : L’État français devra probablement verser des compensations financières à la famille de Rémi Fraisse, bien que la somme exacte reste à déterminer.
- Révision des doctrines du maintien de l’ordre : La condamnation pourrait relancer le débat sur l’usage de la force par les forces de l’ordre et renforcer les restrictions sur certains types d’armes en manifestations. Toutefois, la France n'avait pas attendu le verdict de la CEDH pour interdire l'arme responsable de la mort de Rémi Fraisse.
- Réouverture du dossier ? : Bien que la justice française ait classé l’affaire sans suite, la famille Fraisse pourrait demander une réouverture de l’enquête pour pousser la responsabilité de l’État jusqu’à un procès.
De son côté, la France pourrait mettre en avant les réformes déjà entreprises, afin d'éviter des répercussions politiques trop importantes. Déjà, certains comptes influents rappellent sur les réseaux sociaux qu'il n'y aura "ni oubli ni pardon". C'est notamment le cas du compte X d'Europe-Ecologie les Verts ou de Marine Tondelier, député.
Le processus législatif face aux condamnations de la CEDH
Lorsqu’un État est condamné par la Cour européenne des droits de l’homme, plusieurs étapes juridiques et politiques s’enclenchent. Contrairement à un simple jugement national, une condamnation de la CEDH impose à l’État concerné d’adapter son droit interne pour éviter que des violations similaires ne se reproduisent.
L’État condamné doit payer les indemnités ordonnées par la Cour aux parties lésées, ici la famille de Rémi Fraisse. Ce montant est fixé en euros et versé sous la supervision du Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Si la condamnation révèle une faille structurelle dans la législation française – ici le cadre juridique du maintien de l’ordre –, le gouvernement peut être contraint d’amender ou d’abroger certaines dispositions. Concrètement, cela peut se traduire par :
- Une proposition de loi déposée par un parlementaire à l’Assemblée nationale ou au Sénat,
- Un projet de loi porté directement par le gouvernement,
- Des modifications réglementaires via un décret ou un arrêté ministériel.
La France doit informer le Conseil de l’Europe des mesures prises pour se conformer à l’arrêt. En cas d’inaction, la CEDH peut engager une procédure de supervision renforcée et exercer une pression diplomatique pour forcer le gouvernement à réagir.
Dans le cas de la mort de Rémi Fraisse, la France pourrait être amenée à revoir :
- L’encadrement des opérations de maintien de l’ordre,
- L’utilisation des grenades et autres armes en manifestation,
- La formation des forces de l’ordre,
- Les procédures d’enquête en cas de décès causé par la police ou la gendarmerie.
Si ces réformes ne sont pas mises en œuvre volontairement, une nouvelle affaire similaire pourrait entraîner une seconde condamnation, renforçant la responsabilité de l’État français.