À quoi servent Les Républicains (LR) ? La question peut se poser quand on voit le parti dit d'"union de la droite" se déchirer comme jamais, après la trahison (pourtant largement annoncée en amont par l'interessé) de Renaud Muselier. La réponse est pourtant simple.
Elle est même d'une confondante évidence ! La disqualification de l'étalon noir de la course à la présidentielle, accusé d'être trop bien harnaché, est le point de départ de cette inéluctable mutation du parti LR.
En juin 2017, la réforme brutale de centaines de braves chevaux de trait, rompus au labour des terres électorales, totalement désemparés face à de jeunes poulains et pouliches dopés à l'EPO Majorité présidentielle, en a contraint certains à vouloir changer brutalement d'écurie.
S'en est suivi un interminable défilé de cadres issus des rangs de LR prêts à trahir père et mère, et surtout leurs électeurs, pour de la paille fraîche et un nouveau harnais doré. Il n'a fait que confirmer ce qu'est devenu LR. Un élevage.
Oui, LR n'est plus qu'un gigantesque haras : les Haras de Vaugirard, où les princes de la Macronie viennent impunément se servir quand ils ont besoin de garnir ou de regarnir leurs rangs. On l'a vu lors des derniers remaniements ministériels. Quelques vieux percherons aux articulations grinçantes, que l'on pensait définitivement rangés des voitures, ont même accepté de refaire un improbable tour de piste, pour la gloire.
Certains LR misent sur Macron pour 2022
Finalement, les offres de services de Renaud Muselier et de Christian Estrosi, qui ont décidé de rejoindre officiellement l'écurie macronienne pour la course à la présidentielle, et espérent peut-être décrocher un portefeuille lors du probable dernier remaniement gouvernemental de juin prochain, ne font qu'accélerer les choses. En mettant par la même occasion le feu aux haras de Vaugirard. D'autres baronnets leur ont embrayé le pas, comme Pierre Bédier dans les Yvelines, dont un bon tiers des candidatures aux départementales sont des attelages des LR dociles harnachés à LREM. Les portes commencent à claquer.
Mais quelques canassons rebelles ne se sont pas laissés atttraper. Pire encore, ils ont cassé leurs longes, et sauté par dessus les barrières quand ils ne les ont pas brisées. Les Haras de Vaugirard ont fourni à leur corps défendant quelques bêtes politiques au Rassemblement national. Dont certaines ont bon espoir d'être récompensées pour leur prise de risque. Du sang et des larmes aurait dit Churchill. De la paille usée et une route encore longue leur a dit Marine.
En Occitanie, c'est l'ancien magistrat, Jean-Paul Garraud, député UMP de Gironde de 2002 à 2012, qui a pris la tête de la liste du Rassemblement national. Ses chances de s'asseoir dans le fauteuil de Carole Delga étaient jusqu'ici infimes, même en cas de triangulaire, mais l'incendie des Haras de Vaugirard pourrait changer la donne. Avec un candidat LR (non encore désigné) crédité d'un modeste 13%, et LREM, de 10%, tout est possible... Y compris une liste d'union des droites, Jean-Paul Garraud ayant conservé de solides amitiés de l'autre côté de la barrière.
Hauts-de-France et PACA, futures terres « LRN » ?
Dans les Hauts-de-France, c'est encore un ancien UMP puis LR, Sébastien Chenu, qui menace le président sortant (ex-LR lui aussi) Xavier Bertrand. Pour lui, les chances de succès sont plus grandes. Dans l'hypothèse d'une quadrangulaire, Xavier Bertrand cavale en tête avec Sébastien Chenu. Il faudrait un désistement de LREM en sa faveur pour lui donner quelques encolures d'avance. Mais si LR explose, et que ses militants s'éparpillent, Xavier Bertrand ne risque-t-il pas d'être frappé d'un handicap, dès le premier tour ?
Enfin, c'est bien entendu en PACA, pardon, dans le « Sud », là où le tonnerre a grondé pendant le week-end du 2 mai et déclenché l'incendie des haras de Vaugirard, que les chevaux rebelles des LR forment le plus d'espoir de remporter la course. Thierry Mariani, ancien ministre des Transports de Nicolas Sarkozy, conduit aujourd'hui l'attelage RN, et donc, porte les couleurs de Marine Le Pen. Et tant pis si en 2010, engagé sous la bannière de l'UMP, c'est contre le char de Jean-Marie Le Pen qu'il était engagé dans la course à la présidence de région ! Sans état d'âme, en l'adoubant, Marine Le Pen expliquait ce choix simplement en janvier : « on envoie Mariani, l'ancien LR, pour expliquer aux LR pourquoi il ne faut plus voter pour LR ». Dont acte.
Maintenant, si l'incendie des haras de la rue de Vaugirard continue de fracturer la droite à l'occasion des prochaines élections régionales et départementales, il n'en reste pas moins certain que LR continue d'être un formidable réservoir de cadres, au niveau local. Le parti contrôle une majorité de villes de tailles moyennes, et d'exécutifs départementaux. Choisiront-ils de rejoindre d'autres écuries, ou préféreront-ils le confortable et interminable statu quo ? C'est sans doute lors de la mère des batailles, la prochaine élection présidentielle, que nombre d'entre eux seront appelés ou condamnés à faire un choix... sans retour.