C’est le retour de l’histoire. On la croyait finie, annihilée par la constitution de grands blocs multilatéraux policés. Et brutalement, non seulement elle revient, mais elle avance trop vite pour qu’on la rattrape. Elle nous dépasse et paraît même hors de contrôle.
La tentation impériale russe
L’assassinat de l’ambassadeur russe en Turquie par un probable policier turc exécuté dans la foulée, lors d’une manifestation officielle, constitue une menace immédiate. À la différence des pays occidentaux, la Russie ne cache pas son hostilité à l’affirmation d’un Islam politique. Elle est directement engagée dans la lutte contre Daesh, là où l’Occident a fait alliance avec la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Koweït pour déstabiliser le régime syrien en armant des mouvements qui se réclament de l’Islam.
L’assassinat de son ambassadeur par un possible soutien de Daesh au sein de la police turc en dit long sur les risques auxquels cette région expose désormais l’ensemble du monde. Et ici c’est bien le retour de l’histoire qui se produit: la rivalité entre l’empire russe et l’empire ottoman n’est pas nouvelle. Les fantasmes sultanesques d’Erdogan commencent à produire leurs effets.
Bientôt, le retour des démons allemands?
Le soir même où l’ambassadeur Karlov était assassiné en Turquie, un camion fonçait dans la foule à Berlin tuant plusieurs personnes. Selon toute vraisemblance, et malgré les dénis allemands, il s’agit d’un attentat islamiste. Dans cette affaire, Angela Merkel joue gros, et l’Europe aussi.
Le nationalisme allemand devrait tirer en effet un grand profit de cet événement qui intervient moins de deux ans après la vague migratoire provoquée par Angela Merkel. Celle-ci avait misé sur une mise de la Grèce au pilori pour minorer l’AFD et faire remonter sa cote de popularité à l’horizon des élections de septembre. Dans l’hypothèse où une vague d’attentats toucherait l’Allemagne, on imagine que cette stratégie ne suffirait pas pour marginaliser des forces politiques intérieures qui représentent entre 15 et 20% de l’électorat aujourd’hui.
La température montre entre les Etats-Unis et la Chine
De l’autre côté du monde, la situation n’est pas meilleure. Donald Trump a manifestement décidé de tempérer les ardeurs chinoises en Extrême-Orient. Après son coup de téléphone très symbolique avec la présidente taïwanaise, Trump installe l’idée que le libre-échange avec la Chine n’est plus une donnée incontournable de l’ordre international.
Rien n’exclut que le roulement de mécanique continue en Asie. La Chine a saisi un drone militaire américain dans une zone qu’elle revendique malgré un arbitrage international. La Chine est par ailleurs le théâtre d’une véritable fuite des capitaux, à tel point qu’elle n’est plus le premier créditeur des Etats-Unis.
Les cartes de 1991 (et de 1945) rebattues
De-ci de-là, c’est à une nouvelle battue de cartes que nous assistons. Le monde tel qu’il s’est dessiné en 1945 d’abord puis entre 1986 (date de la Perestroïka) et 1991 (date de la réunification allemande) est désormais à l’étroit dans ses habits. Certains aimeraient reprendre quelques tailles supplémentaires (c’est le cas de la Russie), d’autres n’ont pas encore trouvé la bonne taille (c’est le cas de la Chine).
Reste à savoir si ces tensions constituent de simples secousses sismiques tout à fait ponctuelles, ou si elles annoncent un mouvement tectonique de grande ampleur.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog