Alors que la revalorisation du RSA est entrée en vigueur le 1er avril, plusieurs départements ont publiquement exprimé leur refus d’en assurer le financement. Derrière ce bras de fer, une divergence profonde sur la répartition des compétences et des charges entre l’État et les collectivités territoriales.
Revalorisation du RSA : les départements disent non à la facture de l’État

Le 1er avril 2025, le revenu de solidarité active (RSA) a été revalorisé de 1,7 %. Cette mesure, annoncée par le gouvernement dans le cadre d’une politique élargie d’accompagnement vers l’emploi, suscite de fortes tensions avec les départements, principaux financeurs de cette prestation. De nombreux élus départementaux, de sensibilités politiques diverses, dénoncent une décision unilatérale de l’exécutif, prise sans concertation préalable et sans mécanisme de compensation adapté.
Une mesure nationale à impact local
La revalorisation du RSA s’inscrit dans une réforme plus large du dispositif, entrée en vigueur le 1er janvier 2025, qui prévoit notamment l’inscription obligatoire de tous les bénéficiaires à France Travail ainsi que la signature d’un contrat d’engagement intégrant un parcours d’insertion et un minimum d’heures d’activité hebdomadaire.
Mais si la décision est nationale, ses conséquences budgétaires se répercutent directement sur les départements, compétents en matière d’action sociale. Ces derniers assurent le financement du RSA, bien que le versement reste techniquement effectué par les Caisses d’allocations familiales (CAF). En l’absence de compensation financière supplémentaire, plusieurs exécutifs départementaux ont annoncé leur refus de prendre en charge la revalorisation.
Une position collective affirmée
La position de rejet ne se limite pas à quelques départements isolés. Elle a été formalisée dans une déclaration commune de l’association Départements de France, qui fédère la quasi-totalité des présidents de conseils départementaux. Cette organisation dénonce une série de décisions récentes prises par l'État qui, selon elle, alourdissent les charges locales sans transfert de ressources équivalent.
Depuis 2022, les élus estiment que les mesures gouvernementales ont généré plus de 5 milliards d’euros de dépenses nouvelles pour les départements, dont une part significative concerne les prestations sociales. Parallèlement, plusieurs sources de recettes ont diminué, notamment les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), étroitement liés à la dynamique du marché immobilier.
Dans ce contexte, les représentants départementaux réclament que l'État prenne à sa charge une part plus importante du financement des allocations individuelles de solidarité, notamment le RSA, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH).
Des exemples locaux emblématiques
Plusieurs départements ont détaillé publiquement les conséquences concrètes de cette revalorisation sur leurs finances. Dans certains cas, le surcoût annuel est estimé entre 800 000 euros et 1,5 million d’euros. Ces montants, s’ils paraissent limités à l’échelle de l'État, peuvent représenter un déséquilibre budgétaire significatif à l’échelle locale, notamment dans des départements déjà confrontés à une croissance continue de la demande sociale.
Certains présidents de conseils départementaux ont donc pris la décision de ne pas rembourser la part de la revalorisation versée par la CAF. Leur position s’appuie sur une lecture stricte de leurs compétences et de leurs marges de manœuvre financières, qu’ils estiment désormais insuffisantes.
L'État rappelle ses priorités
Face à cette fronde, le gouvernement met en avant les objectifs poursuivis par la réforme du RSA : favoriser un accompagnement plus actif des bénéficiaires, renforcer les liens entre insertion sociale et professionnelle, et mieux coordonner les acteurs de l’emploi et du social. Il souligne également que les départements restent responsables de l’insertion et qu’ils conservent un rôle central dans le pilotage local du dispositif.
Toutefois, l'exécutif reconnaît l’existence de tensions budgétaires. Des échanges ont eu lieu entre la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, et les représentants des collectivités. Un comité des financeurs doit être installé prochainement afin de débattre de la question des compensations et d’un éventuel rééquilibrage entre État et collectivités.
Un différend structurel sur la décentralisation sociale
Au-delà de la question immédiate du RSA, cette confrontation révèle une problématique plus large sur l’organisation institutionnelle de la protection sociale en France. Depuis les lois de décentralisation des années 2000, les départements sont devenus des acteurs centraux de la solidarité, tout en restant dépendants de financements dont ils ne maîtrisent pas l’évolution.
La répartition des compétences entre État et départements dans le champ social fait régulièrement l’objet de débats, en particulier lorsqu’il s’agit de prestations universelles, décidées à l’échelle nationale mais financées localement. Le cas du RSA illustre les limites de ce modèle hybride, où l’acteur local exécute des politiques définies par l'État sans en contrôler ni le périmètre ni le financement.