Algérie : l’écrivain Boualem Sansal écope de cinq ans de prison

Cinq ans de prison. Le verdict est tombé pour Boualem Sansal, en à peine vingt minutes. L’écrivain de 80 ans, malade, paie le prix fort pour ses mots.

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Par Grégoire Hernandez Publié le 27 mars 2025 à 10h07
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Algérie : l’écrivain Boualem Sansal écope de cinq ans de prison - © PolitiqueMatin
Le verdict est tombé ce jeudi 27 mars 2025 : l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été condamné à cinq ans de prison ferme par le tribunal correctionnel de Dar El Beida, à Alger. Il écope également d’une amende de 500 000 dinars (environ 3 500 euros). Un épilogue brutal à une procédure éclair qui aura duré à peine une semaine, après un procès express de vingt minutes le 20 mars. Le parquet algérien avait initialement requis dix ans de prison.


Un procès sous tension, une défense solitaire

Boualem Sansal, âgé de 80 ans et atteint d’un cancer, avait été arrêté le 16 novembre 2024 à sa descente d’avion à Alger. Il était poursuivi pour plusieurs chefs d’accusation, notamment « atteinte à l’unité nationale », « outrage à corps constitué », « atteinte à l’économie nationale » et « détention de publications menaçant la sécurité du pays ». Si l’accusation initiale d’« intelligence avec l’ennemi » a été abandonnée, les charges retenues demeurent lourdes.

Devant le juge, Sansal s’est défendu seul, affirmant en français : « Mes propos ou écrits étaient simplement une opinion personnelle, j’en ai le droit comme tout citoyen algérien. Je n’avais nulle intention de nuire à l’Algérie ». Il a également précisé ne pas comprendre l’arabe classique, langue officielle de l’audience, ni le dialecte algérien.
Le juge a évoqué des échanges WhatsApp avec l’ex-ambassadeur de France, Xavier Driencourt, ainsi qu’avec un membre du MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie), classé organisation terroriste par Alger. Sansal a reconnu certains échanges, tout en les qualifiant de « banals » et relevant de la liberté d’expression. Il a catégoriquement nié tout soutien séparatiste.

Boualem Sansal : un dossier explosif entre Alger et Paris

L’accélération du calendrier judiciaire intrigue. Pour Mohamed Baghdadi, bâtonnier d’Alger, cette requalification en correctionnelle « montre une volonté d’apaisement ». Plusieurs observateurs suggèrent que cette condamnation rapide pourrait ouvrir la voie à une grâce présidentielle, si aucune des parties ne fait appel. En février 2025, le président Abdelmadjid Tebboune avait déclaré à L’Opinion : « Je ne peux présager de rien », laissant la porte entrouverte.

Depuis son arrestationl’affaire Sansal est devenue une véritable affaire d’État, envenimant les relations diplomatiques entre l’Algérie et la France. En octobre 2024, des propos de l’écrivain au média français d'extrême-droite Frontières, où il évoquait la « marocanité » de l’Ouest algérien, avaient mis le feu aux poudres. Cette déclaration, bien que non mentionnée à l’audience, semble avoir été le déclencheur.

En France, le soutien à Sansal a été massif. Le 25 mars 2025, un rassemblement devant l’Assemblée nationale a réuni des figures de tout l’échiquier politique, de Yaël Braun-Pivet à Marine Le Pen, en passant par Éric ZemmourChristian Estrosi ou Raphaël Glucksmann. Le président Emmanuel Macron a exprimé sa consternation, déclarant le 20 mars : « Ce qui s’est passé est très grave, mais je fais confiance au président Tebboune et à sa clairvoyance pour savoir que tout cela n’est pas sérieux et qu’on a affaire à un grand écrivain, qui plus est malade. »
Un déplacement du ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot est évoqué pour début ou mi-avril, dans un climat diplomatique de plus en plus tendu.

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