Porté par un contexte géopolitique sous haute tension, où la question de l’autonomie stratégique européenne s’impose avec force, le retour du service militaire divise sur ses modalités. Selon un sondage Ipsos CESI, une majorité des Français se disent favorables à sa réintroduction. https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-favorables-un-service-militaire-mais-pas-forcement-obligatoire
Service militaire : les Français font le choix du volontariat

Le 15 mars 2025, un sondage Ipsos CESI, relayé par plusieurs médias français, a révélé que 86 % des Français se disent favorables au retour du service militaire. Cette adhésion cache des nuances : seuls 53 % souhaitent qu'il soit obligatoire, tandis que les autres privilégient une formule basée sur le volontariat. La question du financement est également un point de discorde majeur, les Français refusant en grande majorité tout effort fiscal supplémentaire pour financer un renforcement de la défense nationale.
Un soutien populaire qui cache des lignes de fracture
Le chiffre de 86 % de Français favorables au retour du service militaire peut laisser penser à une unanimité. Or, l’analyse détaillée du sondage montre une forte disparité selon les générations et les orientations politiques. Si les plus de 60 ans, qui ont connu la conscription avant sa suppression en 1996, sont 93 % à souhaiter son rétablissement, les moins de 35 ans sont nettement plus partagés, avec 78 % de soutien, mais un enthousiasme nettement moindre pour une obligation.
Le clivage est également partisan. 90 % des sympathisants du Rassemblement national et 94 % des Républicains se déclarent favorables à une telle réforme, contre seulement 67 % des électeurs de La France insoumise, une famille politique historiquement opposée à l’idée d’un service militaire obligatoire. Le centre macroniste oscille, cherchant une solution qui ne bouleverse pas l’équilibre budgétaire du pays tout en renforçant l’esprit de défense.
Contexte géopolitique : un réveil stratégique forcé
Si le débat sur le service militaire semblait relégué aux archives de l’histoire, la guerre en Ukraine et les incertitudes liées à l’évolution de l’OTAN ont changé la donne. L’élection de Donald Trump, qui a clairement affiché son scepticisme quant à l'engagement des États-Unis dans la défense de l’Europe, a accentué la nécessité pour le Vieux Continent de repenser son modèle militaire.
Dans ce contexte, plusieurs pays européens ont réactivé ou renforcé leurs dispositifs de conscription. La Suède, qui avait supprimé son service militaire en 2010, l’a réintroduit en 2018. L’Allemagne, qui avait suspendu la conscription en 2011, débat actuellement de sa réinstauration sous une forme modernisée. La Norvège et la Finlande maintiennent un service militaire obligatoire qui s’adapte aux besoins opérationnels de leurs armées.
Face à cette évolution, la France ne peut plus éluder la question. Emmanuel Macron, dans une allocution du 5 mars, a évoqué la nécessité de "réformes courageuses" pour préparer la France aux défis stratégiques à venir. Il a cependant précisé que "un retour à une conscription massive n'est ni souhaitable ni réaliste", estimant que "le modèle de l’armée professionnelle reste la pierre angulaire de notre défense".
L’impasse budgétaire et la résistance à l’effort fiscal
Le principal obstacle à un retour du service militaire obligatoire n’est pas tant idéologique que financier. Le rétablissement d’un tel dispositif représenterait un coût colossal pour l’État. Former et encadrer plusieurs centaines de milliers de jeunes chaque année nécessiterait un budget supplémentaire de plusieurs milliards d’euros, sans compter les infrastructures à reconstruire et les formateurs à recruter. Or, le sondage Ipsos CESI révèle une opposition nette à toute hausse des impôts pour financer un tel projet.
L’idée d’un emprunt national dédié au renforcement des capacités militaires est parfois évoquée, mais elle demeure politiquement risquée, notamment dans un pays où la dette publique dépasse les 3 000 milliards d’euros. Une autre option, plus pragmatique, consisterait à renforcer la réserve opérationnelle en offrant des incitations financières pour attirer plus de volontaires.
Vers une réforme du service national universel ?
Conscient des limites d’un retour à un service militaire obligatoire, l’exécutif privilégie une refonte du Service national universel (SNU), lancé en 2019 mais resté limité dans son déploiement. Emmanuel Macron a ainsi annoncé une "grande réforme" du dispositif pour le rendre plus attractif et en faire un outil de sensibilisation à l’esprit de défense.
Le SNU repose aujourd'hui uniquement sur le volontariat et ne répond pas aux besoins militaires du pays. Une option intermédiaire pourrait consister à rendre le SNU obligatoire pour une courte période, avec une possibilité d’engagement volontaire plus long pour ceux qui souhaiteraient prolonger leur formation militaire. Cette solution permettrait d’éviter un rejet massif de la jeunesse tout en instaurant une culture de la défense plus ancrée dans la société.