Les relations commerciales entre les États-Unis et l’Union européenne sont entrées, depuis le 2 avril, dans une nouvelle phase de confrontation. Donald Trump, fidèle à sa ligne dure, a dégainé un arsenal de droits de douane punitifs visant 20 % de produits européens. Bruxelles, longtemps sur la retenue, semble désormais déterminée à changer de ton. Et la taxe numérique pourrait bien devenir l’instrument clé de cette réponse.
Taxe numérique : l’UE prête à frapper les GAFAM en réponse à Washington

L’UE réfléchit à une taxe numérique sous la forme d’un prélèvement de 5 % sur le chiffre d’affaires des géants du numérique, visant principalement les firmes américaines implantées en Europe. Selon les premières estimations, cette taxe numérique pourrait rapporter jusqu’à 37,5 milliards d’euros à l’Union, une manne considérable dans un contexte de ralentissement budgétaire et de tensions géopolitiques importantes.
Une taxe numérique comme riposte calibrée à l’hyper-puissance technologique américaine
La déclaration de guerre douanière orchestrée par Donald Trump ne relève pas seulement de la provocation économique. Elle marque une remise en cause frontale du partenariat transatlantique. Et Bruxelles n’entend pas rester les bras croisés. « L’Europe devra réfléchir à une taxe sur les géants du numérique », a affirmé Henna Virkkunen, vice-présidente de la Commission européenne chargée de la Souveraineté technologique, dans une interview accordée au Figaro.
Une déclaration qui résonne comme une menace à peine voilée, mais parfaitement assumée. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a enfoncé le clou dans les colonnes du Financial Times, évoquant une « série de mesures de rétorsion » si les pourparlers échouent. Et d’ajouter : « Par exemple, on peut introduire une taxe sur les revenus publicitaires des services numériques ». L’Europe s’attaque ainsi au cœur du modèle économique des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), dont les marges colossales reposent largement sur une présence commerciale massive en Europe et un régime fiscal clément.
La stratégie de Bruxelles : diplomatie offensive et calcul politique
Derrière cette taxe numérique se cache un bras de fer diplomatique qui ne dit pas son nom. Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump s’est attaqué aux fondations du commerce international, rompant avec la tradition multilatéraliste de ses prédécesseurs. Face à cette offensive, la Commission européenne tente de bâtir une stratégie à la fois crédible, soutenue politiquement et économiquement viable. Maros Sefcovic, commissaire au Commerce, s’est rendu à Washington le 8 avril pour tenter d’arracher un compromis.
Il s’agissait de sa troisième visite diplomatique depuis janvier. Si les échanges ont été qualifiés de « constructifs », aucun accord concret n’a émergé. Le spectre d’un échec plane, et Bruxelles semble déjà préparer ses canons. Cette taxe numérique s’inscrirait par ailleurs dans un processus plus large de souveraineté technologique, au cœur des priorités européennes. L’ambition ? Réduire la dépendance stratégique de l’Union vis-à-vis des plateformes américaines, tout en imposant un cadre fiscal plus juste à une économie numérique devenue incontrôlable.
Un chantier semé d’embûches… et de risques politiques
Mettre en place une taxe numérique à l’échelle de l’Union européenne n’est pas une opération de routine. Cela nécessite une coordination serrée entre les 27 États membres, certains étant notoirement réticents à froisser leur partenaire américain, à commencer par l’Irlande, pays d’accueil fiscal de plusieurs multinationales du numérique. De plus, cette taxe pourrait rapidement devenir un nouveau terrain de friction au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui pourrait être saisie par Washington pour contester la légalité de cette mesure.
Mais au-delà des batailles juridiques, c’est surtout sur le terrain politique que l’Europe joue gros. Si Bruxelles cède encore face à Washington, elle entérinera sa posture de vassal économique. Si elle persiste dans la voie de la riposte, elle devra assumer les conséquences d’un conflit commercial de grande ampleur avec, à la clé, des impacts lourds pour ses propres entreprises exportatrices.