Taxes inutiles : la Cour des comptes pousse l’État à agir

Une juridiction financière d’ordinaire discrète, mais un message d’une redoutable clarté politique : la Cour des comptes ne se contente plus d’alerter, elle exige des actes. Avec un appel à la suppression de plusieurs dizaines de taxes à faible rendement, elle pointe l’inertie de l’État face à une fiscalité devenue illisible.

Adelaide Motte
By Adélaïde Motte Published on 18 avril 2025 9h54
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Taxes inutiles : la Cour des comptes pousse l’État à agir - © PolitiqueMatin

Le 17 avril 2025, la Cour des comptes a publié un rapport sur les taxes à faible rendement, répertoriant 243 prélèvements fiscaux obsolètes pour un produit global de seulement 5,98 milliards d’euros. L’institution de la rue Cambon prend ici un virage stratégique : interpeller directement les décideurs politiques, en particulier le gouvernement et le Parlement.

243 taxes, 5,98 milliards, zéro cohérence : un réquisitoire chiffré

Dans ce rapport thématique de 2025, la Cour aligne les chiffres, les compare, les contextualise : 243 taxes en 2024, dont 117 sans aucun rendement connu ou estimé, rapportant moins de 175 millions d’euros chacune, pour un total de 5,98 milliards d’euros. En face, les recettes fiscales totales dépassent les 1 250 milliards d’euros. La disproportion est flagrante.

Mais le rapport va plus loin : ces taxes, qualifiées de « patchwork fiscal », complexifient l’action publique, mobilisent des milliers de collecteurs, et nuisent à la lisibilité de l’impôt, au mépris des principes de justice fiscale. Le tout, pour des recettes marginales. C’est donc une critique en règle du statu quo budgétaire que la Cour adresse aux gouvernants.

Une feuille de route en trois temps : ce que la Cour prescrit

Le rapport ne se contente pas de diagnostiquer, il prescrit, dans une architecture législative complète, parfaitement séquencée :

  • Dès 2026 : 44 taxes identifiées comme fragiles ou juridiquement instables doivent être supprimées via le Projet de Loi de Finances (PLF). La Cour attend une traduction immédiate de cette recommandation.

  • En 2027 : 30 taxes liées à des secteurs comme la formation professionnelle, la pharmacie ou le contrôle sanitaire doivent être réexaminées. L’institution recommande ici un traitement intersectoriel, via des ajustements ciblés en lois de finances sectorielles ou ordinaires.

  • Dès la prochaine loi de programmation : une rationalisation systématique de 99 taxes supplémentaires est proposée. Ce n’est plus une option, mais une orientation stratégique que la Cour appelle à inscrire dans le marbre législatif.

Un appel à l’action directe de l’État

La Cour souligne que, malgré une première vague de suppression (74 taxes entre 2019 et 2024), 12 nouvelles taxes ont été créées sur la même période. De plus, l’élan politique s’est essoufflé. Elle interpelle donc le gouvernement sur sa cohérence budgétaire : peut-on sérieusement vouloir faire des économies tout en maintenant des taxes dont l’utilité économique est nulle, voire contre-productive ?

Elle insiste également sur le caractère inexistant de la transparence budgétaire, dénonçant une absence totale de suivi pour plus de la moitié de ces taxes. À l’heure où la puissance publique prétend se moderniser, ce vide statistique devient inacceptable.

Une réforme budgétaire à fort potentiel politique

En filigrane, la Cour offre au gouvernement une réforme à fort rendement symbolique, sans coût politique majeur. Il ne s’agit pas d’augmenter les impôts, mais de supprimer ce qui est inutile, de rationaliser, de clarifier, d’assainir. De quoi faciliter le quotidien des Français.

Le rapport utilise des termes soigneusement pesés, mais sans ambiguïté : il invite l’État à engager cette réforme sans tarder, dans un cadre parlementaire défini et selon un calendrier serré. En ce sens, il s’agit bien d’une mise en demeure républicaine, d’un défi lancé aux législateurs.

Et dans un contexte de rigueur budgétaire annoncée, cette rationalisation fiscale pourrait bien devenir le levier d’une relégitimation de la politique fiscale française.

Une Cour des comptes plus offensive que jamais

Cette posture assumée de la Cour des comptes, marque une évolution notable. Elle ne se contente plus de commenter l’existant, ce qu'elle fait d'une manière parfois acerbe. Elle s’empare du débat politique, et se positionne comme force de proposition, avec une méthodologie, un calendrier, et des priorités explicites.

Si le gouvernement suit cette ligne, ce pourrait être la première vraie réforme fiscale “par soustraction” depuis des décennies. Dans le cas contraire, il devra expliquer pourquoi il choisit de maintenir un système coûteux, opaque, et injustifié, contre l’avis motivé d’une institution indépendante, qui reproche déjà à l'Elysée un train de vie exhorbitant.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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