Surveillance et narcotrafic : Telegram ne veut pas plier face à Retailleau

Alors que les attaques contre les établissements pénitentiaires se multiplient en France, le gouvernement accentue sa pression sur les messageries chiffrées. Telegram, elle, campe sur ses positions. Et menace de quitter le pays si l’État force l’accès aux messages privés.

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By Grégoire Hernandez Published on 23 avril 2025 9h30
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Surveillance et narcotrafic : Telegram ne veut pas plier face à Retailleau - © PolitiqueMatin

« Nous mettons le paquet », affirme Bruno Retailleau. Mais pour Telegram, la ligne rouge est franchie : la France veut une porte dérobée, l’application préfère claquer la porte.

Le patron de Telegram ne cède rien

Ce mercredi 23 avril 2025, sur BFMTV-RMC, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau est clair : l’exécutif ne compte pas laisser les attaques contre les prisons impunies. « Les faits sont nombreux, sans doute coordonnés », dit-il. En dix jours, 65 incidents ont visé des centres pénitentiaires ou leurs agents. « 125 enquêteurs sont mobilisés, avec l’appui de 30 experts scientifiques », martèle-t-il. La cible ? Un groupe nommé DDPF, soupçonné de coordonner ces actions via la messagerie chiffrée Telegram.
Et c’est là que la ligne de fracture apparaît. Retailleau veut des résultats, vite. Pour cela, il faut pouvoir lire les messages échangés sur les canaux de coordination. Mais Telegram, elle, refuse catégoriquement toute brèche dans son chiffrement.

Le patron de Telegram, Pavel Durov, a répondu sans détours. Dans une série de messages publiés sur X, il déclare : « Telegram préfère quitter un marché plutôt que saper le chiffrement avec des portes dérobées et violer des droits humains de base ». Et d’ajouter : « Le chiffrage n’est pas conçu pour protéger les criminels. »
La ligne de défense est constante : ouvrir une « backdoor » pour la police revient à créer une faille pour tous. « Il est techniquement impossible de garantir un accès via une porte dérobée uniquement à la police », rappelle Durov. Hackers, États étrangers, cybercriminels : une fois l’accès ouvert, plus personne n’est à l’abri.

Une riposte inefficace et risquée ?

Derrière cette tension, deux logiques irréconciliables. Le gouvernement veut un outil d’enquête. Telegram y voit une compromission de principe. Et même une erreur stratégique. Durov affirme que « les criminels auraient pu communiquer en toute sécurité via des dizaines d’applications plus petites, et devenir encore plus difficiles à localiser grâce aux VPN ».
En clair : affaiblir Telegram ne freinerait pas les réseaux criminels, mais fragiliserait tous les utilisateurs, honnêtes, eux. Et forcerait les plus dangereux à se cacher plus profondément encore.

Ce bras de fer ne sort pas de nulle part. En mars 2025, un amendement controversé de la loi Narcotrafic prévoyait déjà d’imposer des portes dérobées aux messageries chiffrées. Le Sénat avait dit oui. L’Assemblée nationale, non. Pavel Durov s’était félicité pour ce rejet : « Les députés ont eu raison de rejeter une loi qui aurait fait de la France le premier pays au monde à priver ses citoyens de leur droit à la vie privée ».
Mais l’exécutif maintient la pression. Retailleau promet des résultats, quitte à aller au bras de fer. Et Telegram, de son côté, campe sur une ligne inflexible. Quitter la France ? Une option sérieusement envisagée.

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