Transition énergétique : le gouvernement ne convainc pas les Français

Alors que l’urgence climatique s’impose dans toutes les strates du débat public, une autre urgence se dessine en creux : celle de la confiance. Ni les plans de l’État, ni les promesses de la transition énergétique ne semblent trouver grâce aux yeux des Français.

Axelle Ker
By Axelle Ker Published on 22 avril 2025 14h02
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Transition énergétique : le gouvernement ne convainc pas les Français - © PolitiqueMatin

Le 22 avril 2025, Ipsos et CESI école d’ingénieurs ont publié les résultats de leur grande étude annuelle Earth Day, menée dans 32 pays. En France, le constat est sans appel : les citoyens sont inquiets, lucides, informés… mais de plus en plus réfractaires aux politiques climatiques imposées par l’exécutif. Entre rejet des dispositifs et défiance envers les institutions, la crise écologique prend désormais une tournure résolument politique.

Des citoyens inquiets face au réchauffement climatique

L’étude Ipsos-CESI est formelle : 75 % des Français se disent préoccupés par les impacts déjà visibles du dérèglement climatique, un niveau légèrement au‑dessus de la moyenne mondiale (74 %). Plus encore, 55 % considèrent le changement climatique comme la plus grande menace sanitaire qui pèse sur l’humanité, contre 39 % à l’échelle mondiale.

Cette lucidité ne se traduit pas pour autant par une adhésion aux politiques publiques. Seuls 27 % des Français estiment que leur gouvernement a un plan clair pour lutter contre le changement climatique, un score en deçà de la moyenne mondiale (32 %). Cette défiance ne fait qu’augmenter : en 2024, ils l’étaient déjà d’un point de moins (26 %), et de dix points de plus en 2023 (37 %).

Une défiance envers les technologies et les entreprises

Ce divorce entre citoyens et institutions prend racine dans un scepticisme structurel. Six Français sur dix interrogés (58 %) estiment que les voitures électriques sont « aussi mauvaises pour la planète que les voitures thermiques ». Le plus haut score des 32 pays sondés. L’étude indique d’autre part que 37 % des Français jugent que les éoliennes offshore détruisent les écosystèmes, tandis que seuls 36 % pensent que la transition aura un effet positif sur la santé publique.

Quant aux effets supposés bénéfiques de la transition énergétique : 46 % la jugent positive pour la qualité de l’air, mais 29 % estiment au contraire qu’elle la détériorera. Sur le plan sanitaire, 36 % y voient une amélioration… contre 31 % qui anticipent un impact négatif. Concernant les pandémies, seulement 18 % des Français pensent que la transition pourrait réduire les risques – le plus bas score parmi les pays étudiés –, tandis que 25 % estiment au contraire qu’elle les aggravera.

Cette méfiance ne vise pas que les technologies : elle s’étend aux acteurs. 15 % seulement font confiance aux entreprises pour tenir leurs engagements environnementaux, contre 22 % dans le reste du monde. Côté gouvernement, le crédit n’est guère plus élevé : l’image d’une France leader en matière climatique ne convainc que 29 % de ses propres citoyens.

L’écologie perçue comme punitive

Le sentiment qui domine ? Celui d’un effort mal réparti. 38 % des Français jugent qu’on demande trop de sacrifices à leur pays pour lutter contre le dérèglement climatique, un chiffre en hausse de cinq points par rapport à 2023. Derrière les beaux discours sur la transition verte, beaucoup y voient une fiscalité déguisée, un alourdissement des contraintes, une complexité croissante.

Sur les autres effets perçus : 36 % des Français estiment que la transition aura un impact négatif sur l’emploi, contre 27 % qui y voient une opportunité. Pour la sécurité alimentaire, 30 % anticipent une dégradation, contre 25 % qui espèrent une amélioration. Sur la pauvreté mondiale, 38 % jugent qu’elle sera aggravée, contre 20 % qui y voient un levier. Sur le volet des catastrophes naturelles, l’opinion est partagée : 31 % estiment que la transition réduira ces événements… mais 31 % estiment l’inverse.

Enfin, 54 % des Français pensent que la transition énergétique entraînera une hausse des prix de l’énergie pour les ménages, un sujet particulièrement sensible dans un contexte inflationniste.

SNBC, ZFE, PPE3... une trajectoire (anti-)démocratique

La SNBC (Stratégie Nationale Bas‑Carbone), censée incarner la vision française de la neutralité carbone à l’horizon 2050, est un parfait exemple, la grande majorité des Français n’ayant connaissance de son existence. Lancée en 2015, révisée en 2019 pour viser la neutralité carbone (et non plus seulement le « facteur 4 »), elle reste un document d’ingénierie écologique – de transition énergétique – hors du champ démocratique, ce qui ne manque pas de faire écho à la PPE3 (loi de programmation pluriannuelle de l'énergie), que le Premier ministre, François Bayrou, espère faire passer par voie de décret et non par le vote des élus .

La zone à faibles émissions (ZFE) fait figure de parfait exemple illustrant la rupture entre les politiques et les citoyens en matière de politique écologique et de transition énergétique. Il faut dire que celles-ci visent à interdire l’accès des centres-villes et des périphéries des grandes villes à des millions de véhicules, sur la base de leur année de mise en circulation – et non de leurs émissions rejetées. Pourtant, et alors même qu’une grande consultation publique indiquait que les ZFE sont rejetées par 86 % des Français, qui les perçoivent comme punitives, hors-sol et, surtout, antisociales, le gouvernement – sur fond de subventions européennes – persiste et signe pour les imposer, en se cachant derrière « l’amélioration de la qualité de l’air ».

Moins médiatisée auprès du grand public, et pourtant hautement stratégique puisqu’elle est directement liée à la souveraineté énergétique de la France, on retrouve ce même désaveu, du côté des élus cette fois – sénateurs en particulier –, des experts en énergie – partagé par l'Académie des sciences (!) – au sujet de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3), présentée par le Premier ministre, François Bayrou, censée fixer la politique énergétique de la France d’ici à 2035.

Un signal plus qu’un simple sondage

Ce que dit ce sondage, ce n’est pas seulement l’état de l’opinion. C’est un signal démocratique clair : les Français ne sont pas climatosceptiques, ils sont de plus en plus politico-sceptiques.

Ils veulent des solutions, mais pas à n’importe quel prix. Ils attendent de l’État qu’il agisse, mais pas qu’il décrète. Ils acceptent l’urgence, l'adaptation, mais refusent l’arrogance, la punition.

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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