Donald Trump vise la délocalisation des industries technologiques américaines

En activant un mécanisme législatif rarement utilisé, Donald Trump ouvre la voie à une remise à plat stratégique des chaînes d’approvisionnement américaines. Une initiative économique aux implications géopolitiques directes, dont les effets ne se limiteront pas aux frontières des États-Unis.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 16 avril 2025 9h30
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Le 15 avril 2025, Donald Trump a signé un décret présidentiel ordonnant l’ouverture d’une enquête fédérale sur les importations de minerais critiques et d’objets électroniques. Cette procédure, fondée sur des considérations de sécurité nationale, pourrait, à terme, justifier l’instauration de nouveaux droits de douane. Elle s’inscrit dans une démarche plus large visant à réduire la dépendance des États-Unis à l’égard de puissances étrangères pour l’approvisionnement en matières premières essentielles à l’industrie technologique.

Un outil législatif stratégique remis au centre du jeu commercial

Le décret s’appuie sur l’article 232 du Trade Expansion Act, une disposition votée en 1962 qui autorise l’exécutif américain à imposer des mesures commerciales restrictives lorsqu’une menace à la sécurité nationale est identifiée. Ce levier juridique a déjà été activé par Donald Trump durant son premier mandat, notamment pour taxer l’acier et l’aluminium. Il est aujourd’hui utilisé pour examiner l’impact des importations de plusieurs minerais considérés comme essentiels au fonctionnement de l’économie américaine.

Sont concernés le lithium, le cobalt, le nickel, les terres rares, mais également les produits finis qui les intègrent comme les batteries, les smartphones, les éoliennes ou encore les véhicules électriques. Le Département du Commerce dispose de 180 jours pour établir un diagnostic complet sur ces flux commerciaux, leur origine, et leur niveau de criticité pour les infrastructures industrielles et militaires américaines.

Une dépendance énergétique et industrielle au cœur du dossier

Les justifications avancées par l’administration Trump reposent sur un double constat. D’une part, les États-Unis ne contrôlent qu’une part limitée de la chaîne de valeur des minerais critiques. D’autre part, une grande partie de ces matériaux est aujourd’hui extraite ou transformée hors du territoire national, principalement en Asie. Selon le décret publié, « l'industrie américaine est dépendante de sources étrangères qui sont exposées à des chocs graves, durables ». Le texte alerte également sur les conséquences potentielles d’une rupture d’approvisionnement, évoquant le risque de « pénuries importantes » susceptibles d’affecter la défense nationale.

À travers cette initiative, la présidence entend replacer la souveraineté industrielle au centre du débat économique. Pour Donald Trump, l’enjeu n’est pas uniquement commercial : il touche à la sécurité des infrastructures critiques, à l’autonomie technologique et à la stabilité des capacités de production en cas de crise internationale.

La relocalisation productive comme objectif stratégique

Si aucune taxe n’est pour l’instant instaurée, le signal politique envoyé aux entreprises américaines est clair. Cette enquête vise aussi à encourager les grands groupes technologiques à réduire leur exposition aux chaînes d’approvisionnement asiatiques. Le président Trump a plusieurs fois exprimé sa volonté de voir les secteurs stratégiques, comme ceux de l’électronique ou des énergies renouvelables, relocaliser tout ou une partie de leur production sur le sol américain.

Des groupes comme Apple, Tesla ou General Electric, qui reposent sur des composants fabriqués ou assemblés à l’étranger, pourraient se retrouver directement concernés par les conclusions de cette enquête. Ce recentrage industriel coïncide avec d’autres procédures similaires ouvertes sur les semi-conducteurs ou les produits pharmaceutiques, traduisant une volonté de redéploiement productif sur les secteurs jugés critiques.

Des partenaires commerciaux en position d'observateurs vigilants

L’enquête pourrait avoir des répercussions sur plusieurs partenaires commerciaux des États-Unis. La Chine, premier acteur mondial pour la transformation des terres rares et du cobalt, est en première ligne. Mais d’autres pays producteurs comme l’Australie (lithium), la République démocratique du Congo (cobalt), l’Indonésie (nickel) ou encore le Chili (cuivre) suivent également le dossier avec attention.

Le gouvernement chilien a, par exemple, rappelé que ses exportations vers les États-Unis jouaient un rôle stabilisateur dans l’approvisionnement global et ne constituaient en aucun cas une menace stratégique. L’enjeu est d’importance : toute évolution du régime douanier pourrait fragiliser certains équilibres commerciaux et renchérir les coûts de matières premières pour l’industrie américaine elle-même.

Cette stratégie présente un avantage tactique : elle laisse ouvertes plusieurs options politiques et commerciales, tout en installant un rapport de force diplomatique. Les entreprises, comme les gouvernements partenaires, sont incités à négocier, à ajuster leurs pratiques, et à anticiper une potentielle évolution du cadre réglementaire américain.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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