Violences conjugales : depuis MeToo, les plaintes ont explosé

Depuis MeToo, les plaintes pour violences conjugales explosent. La parole se libère, mais la justice suit-elle vraiment ?

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 17 février 2025 à 10h10
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L’augmentation des plaintes donne l’illusion d’un progrès, mais en réalité, le système judiciaire ne fait que comptabiliser les violences sans y répondre efficacement. Les victimes continuent d’être abandonnées après leur dépôt de plainte, les procédures sont interminables et les sanctions restent trop souvent symboliques.

Une augmentation des plaintes qui ne traduit pas une meilleure prise en charge

Le mouvement MeToo a provoqué une onde de choc dans la société française. Plus que jamais, les violences conjugales sont dénoncées et les chiffres explosent. En 2023, les forces de l’ordre ont enregistré 271 000 victimes, un chiffre en augmentation de 10 % par rapport à 2022. Pourtant, cette montée en flèche ne signifie pas que la situation des victimes s’améliore. Si davantage de femmes osent franchir les portes des commissariats, c’est grâce à la sensibilisation et aux campagnes médiatiques. Mais une fois la plainte déposée, la machine judiciaire, lente et inefficace, broie bien souvent ces démarches.

Près de 43 % des plaintes sont classées sans suite, contre 34 % en 2017, selon le ministère de la Justice. L’absence de preuves suffisantes, la prescription des faits ou l’impossibilité de caractériser juridiquement l’infraction expliquent en grande partie ces classements. Cela signifie qu’une victime sur deux ne voit même pas sa plainte déboucher sur une enquête sérieuse.

Des condamnations en hausse, mais des peines dérisoires

Certains diront que l’État agit puisque le nombre de condamnations a doublé en quelques années. En 2023, 41 346 peines d’emprisonnement ont été prononcées pour violences conjugales, contre 17 757 en 2017. Mais derrière ces chiffres se cache une autre réalité : les peines sont trop légères pour dissuader les agresseurs et protéger efficacement les victimes.

Sur ces condamnations, seuls 30 % des auteurs écopent d’une peine ferme. Autrement dit, une majorité d’entre eux ressort libre du tribunal, avec une peine aménageable ou un simple sursis. Quel message envoie-t-on aux victimes qui espéraient obtenir justice ? Pire encore, ces femmes savent que leurs bourreaux ne risquent presque rien, ce qui les pousse parfois à préférer la vengeance ou la fuite plutôt que le recours à la justice.

L'Etat demande aux victimes d’avoir confiance en un système judiciaire qui, en retour, leur offre l’impunité de leurs agresseurs. Dans ces conditions, comment ne pas comprendre celles qui renoncent à dénoncer les violences qu’elles subissent ?

Un système judiciaire incapable de garantir la sécurité des victimes

Au-delà des condamnations trop légères, la question de la protection des victimes reste un immense angle mort du système judiciaire français. L’État incite les femmes à porter plainte, mais une fois cela fait, il est incapable de garantir leur sécurité. Les dispositifs comme l’ordonnance de protection ou le téléphone grave danger existent, mais restent largement insuffisants face à l’ampleur du problème.

Les chiffres sont édifiants. En 2023, 96 femmes ont été tuées par leur conjoint, malgré ces mécanismes censés les protéger. Trop souvent, la justice ne réagit qu’après un féminicide, comme si le meurtre était la seule preuve acceptable du danger que couraient ces femmes. Une femme battue qui porte plainte devrait immédiatement bénéficier d’une protection adaptée, y compris des solutions d’hébergement d’urgence et un accompagnement psychologique et juridique. Pourtant, ces structures sont sous-financées et saturées.

Cette défaillance du système judiciaire ne concerne pas uniquement les violences conjugales. Le manque de moyens, l’engorgement des tribunaux et l’impunité des récidivistes touchent aussi d’autres formes de criminalité.

Une réforme judiciaire urgente pour protéger les victimes et restaurer la confiance

Face à cette situation catastrophique, il est urgent de repenser notre système judiciaire. La lutte contre les violences conjugales ne se résume pas à inciter les victimes à parler, il faut leur garantir une protection efficace et des condamnations exemplaires.

Le premier levier à actionner est le durcissement des peines. Un agresseur condamné doit purger une peine ferme. La suppression du sursis pour les violences conjugales permettrait d’envoyer un message fort. Aujourd’hui, un homme peut battre sa compagne et repartir libre, une aberration qui décrédibilise totalement la réponse pénale. Il est aussi indispensable d’accélérer la prise en charge des victimes.

Toute femme portant plainte devrait immédiatement bénéficier d’une mise à l’abri sécurisée et d’un accompagnement judiciaire rapide. Il est inacceptable que certaines attendent des semaines avant qu’une mesure de protection ne soit décidée. Il faut également réduire les délais judiciaires. Actuellement, il faut parfois plusieurs mois pour qu’une plainte aboutisse à une décision de justice. Entre-temps, l’agresseur reste souvent en liberté, augmentant les risques de représailles contre la victime.

Ces réformes ne seraient pas uniquement bénéfiques pour les victimes de violences conjugales, mais pour l’ensemble du système judiciaire. Elles permettraient d’éviter des drames, d’améliorer la confiance des citoyens dans la justice et de montrer que l’État ne tolère plus l’impunité des agresseurs.

La justice française, complice par inaction ?

La justice française se contente trop souvent d’enregistrer les plaintes sans en assurer les conséquences. Les victimes sont livrées à elles-mêmes, les condamnations sont trop légères, et les agresseurs savent qu’ils risquent peu.

Il est temps de sortir du discours politique creux et des chiffres trompeurs. Les victimes n’ont pas besoin de statistiques ou de communications gouvernementales, mais d’une véritable réforme judiciaire. Tant que la justice continuera d’être aussi lente et inefficace, elle restera complice par inaction.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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